Stéphanie (nom d’emprunt) raconte son étonnante histoire…

« Quand on s’est rencontrés, j’avais 20 ans et lui 22, et j’ai su très vite que j’avais trouvé celui avec qui j’allais faire ma vie : sincère, doux, solide… On s’est mariés en juin 1996, on a eu une fille, puis une deuxième. On a traversé des hauts et des bas, et quelques très grosses épreuves que je ne veux pas raconter ici, mais qui m’ont permis de confirmer ce que je sentais depuis le début :

entre lui et moi, c’est au fond du cœur. Fort, enraciné. On s’est toujours beaucoup parlé, même quand ça n’allait pas. On savait échanger nos émotions et se soutenir mutuellement. C’était aussi un très bon père, gentil, protecteur et sévère juste comme il faut. Il était le pilier de notre couple et de notre famille, et je pensais qu’il était heureux, comme moi. Jamais je n’aurais imaginé qu’il pouvait me cacher quoi que ce soit d’important.

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Mais pour être honnête, je voyais bien que quelque chose le tracassait depuis quelque temps. Nous étions toujours aussi bien ensemble, mais son humeur était changeante, instable. Sans trop oser y croire, je me demandais s’il n’y avait pas quelqu’un d’autre dans sa vie, pour qui il finirait par me demander le divorce. C’est exactement à ça que j’ai pensé quand il m’a tendu une enveloppe, le jour de mon anniversaire, en février 2020, en me demandant de la lire seule.

Je suis montée dans notre chambre, morte d’inquiétude. J’ai mis une bonne demi-heure à l’ouvrir, en m’empêchant de penser que, peut-être, ma vie allait basculer. C’est ce qui s’est passé, mais pas comme je le craignais. Dans cette lettre, mon mari depuis vingt-quatre ans m’expliquait que, depuis son adolescence, il avait compris que son corps n’était pas le bon.

Qu’après avoir fait tout son possible pour vivre avec ça, il ne pouvait plus tenir ce secret, ni continuer. Et qu’il avait décidé de devenir qui elle est : une femme. Elle me demandait mon soutien, tout en m’assurant qu’elle comprendrait que j’en décide autrement. Qu’elle m’aimait, et m’aimerait toujours, quel que soit mon choix.

J’étais complètement sidérée. La première idée qui m’est venue, c’est que ça devait être terrible pour elle. Horrible, inimaginable, et depuis longtemps. Et puis je me suis demandé comment j’avais fait pour ne pas le voir. Et comment elle avait fait pour ne pas me le dire. Je lui en ai voulu, énormément, de ne pas s’être confiée alors que nous avions toujours été si proches, si soudés, si intimes… Et puis j’ai eu peur. Une peur immense de ce qui nous attendait, et que ça nous sépare.

Il m’a fallu une bonne heure, enfermée dans notre chambre, pour encaisser.

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Quand je suis redescendue pour la retrouver, je savais que j’allais l’accompagner dans son parcours. L’aider, l’épauler, la suivre, continuer de l’aimer comme j’avais toujours fait depuis notre rencontre. On est tombées dans les bras l’une de l’autre et j’ai enfin pu pleurer. Je lui ai dit qu’on allait y arriver, que j’allais l’accompagner, et puis je suis allée préparer le dîner.

Les deux ou trois mois qui ont suivi ont été une période très étrange, d’autant plus que nous étions en plein confinement. J’étais aux prises avec d’énormes émotions très contradictoires : j’avais perdu l’homme que j’aimais, mais elle était toujours là. J’ai décidé d’être solide pour elle. Pas par devoir, par amour.

Pour moi, l’amour, c’est la confiance, la compassion, la bonté d’âme. Ça m’a aidée à comprendre à quel point elle avait pu avoir peur de tout perdre. Elle m’a raconté sa “vraie” vie, comment elle me piquait en douce mes vêtements et mon maquillage – moi qui croyais que c’était nos filles ! -, comment elle s’était cachée, empêchée, et puis renseignée sur la marche à suivre.

J’ai décidé de l’aider à accomplir ce qu’elle a à accomplir. Moi, on verra après, quand elle aura terminé. On a trouvé les spécialistes, elle a commencé son traitement hormonal, ses épilations, et je l’ai aidée à apprendre à s’habiller, se maquiller, se coiffer… On va faire du shopping entre filles, on adore ! Très vite, l’élève a dépassé la maîtresse, et dès que ses opérations seront terminées – au début de l’année prochaine si tout va bien -, elle va se former au métier d’esthéticienne. Nous sommes toujours aussi proches. Ce qui compte c’est qui on est à l’intérieur. Et nous, on est des âmes sœurs. C’est sûr « .

Carole G

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